8 février 2017
LETTRE OUVERTE À JUSTIN TRUDEAU :
ON NE DEVRAIT PAS AVOIR LE DROIT DE PORTER ATTEINTE À L’ENVIRONNEMENT
POUR CONSTRUIRE DES AÉRODROMES
Monsieur le Premier Ministre,
Considérant que la mission de Transports Canada est de « Servir l’intérêt public en favorisant un réseau de transport au Canada qui soit sûr et sécuritaire, efficace et respectueux de l’environnement », nous vous demandons de réévaluer la situation et d’intervenir afin d’empêcher que la construction des aérodromes à Mascouche-Terrebonne et à Saint-Cuthbert, au Québec, ne portent atteinte à l’environnement.
Dans son mémoire déposé auprès d’Environnement et Changement climatique Canada le 19 décembre dernier, le Conseil régional de l’environnement de Lanaudière (CREL) a détaillé les risques et les impacts environnementaux des deux projets d’aérodromes en territoire lanaudois. Il y était souligné qu’aucune mesure n’a été entreprise à Saint-Cuthbert par le gouvernement fédéral pour atténuer des nuisances possibles qui affecteraient l’engoulevent bois-pourri, une espèce protégée au sens de la Loi fédérale sur les espèces en péril. Mentionnons également les risques à la sécurité et à l’environnement reliés à la présence d’un site d’enfouissement technique, situé à deux kilomètres de la future piste d’atterrissage à Mascouche-Terrebonne, et ce, malgré les propres directives de Transports Canada exigeant une distance d’au minimum huit kilomètres.
D’une part, le fédéral refuse de respecter les compétences québécoises et municipales en matière d’environnement et de protection du territoire agricole; d’autre part, il prétend respecter l’environnement et servir l’intérêt public en ignorant sa propre Loi sur les espèces en péril à Saint-Cuthbert ainsi que les possibles dommages irréversibles causés à des cours d’eau, à des milieux humides et à des couverts forestiers d’intérêt métropolitain à Terrebonne-Mascouche.
Cette situation conduit à un conflit de juridiction dont nous constatons actuellement les conséquences, avec l’échec récent des procédures judiciaires entamées par la Ville de Mascouche et le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Changements climatiques (MDDELCC), qui visaient à faire respecter la Loi sur la qualité de l’environnement au Québec. De son côté, la Municipalité de Saint-Cuthbert s’inquiète du maintien de l’ordonnance de sauvegarde, qui viendra à échéance en avril 2017 et qui obligeait le promoteur de l’aérodrome à obtenir un certificat d’autorisation auprès du MDDELCC avant de débuter tous travaux dans un cours d’eau ou un milieu humide. Notons qu’en date du 3 février 2017, aucune demande de certificat d’autorisation n’avait été formulée par le promoteur.
À l’instar du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement (RNCREQ), nous sommes d’avis que le Québec et le Canada peuvent collaborer en matière d’évaluations environnementales et que le gouvernement fédéral doit veiller au respect des juridictions provinciales et à harmoniser son processus avec les leurs.
Par ailleurs, il importe de rappeler la notion d’intérêt public dans le mandat de Transports Canada. Le 18 novembre 2014, Donald Roussel, sous-ministre adjoint par intérim de la Sûreté et sécurité de Transports Canada, affirmait que « trois éléments sont liés à l’intérêt public : les éléments sociaux et leurs effets sur les résidents locaux, les impacts environnementaux, positifs ou négatifs, et les impacts économiques reliés au service aéroportuaire dans son ensemble. »
Outre les enjeux environnementaux, on constate une forte opposition de la part des citoyens et des élus municipaux, provinciaux et fédéraux, tant à Saint-Cuthbert qu’à Mascouche-Terrebonne. Quant aux retombées économiques, nous savons que le 19 janvier 2016, le mandataire du fédéral, Aéroport de Montréal a refusé le transfert de Mascouche vers Mirabel, car le projet avait été jugé ni viable ni rentable. De surcroit, vu la quantité d’aérodromes déjà bien répartis sur l’ensemble du territoire, il y a lieu de se questionner sur la pertinence économique de ces deux projets controversés.
D’un point de vue agricole, les promoteurs profitent de la situation pour empiéter sur les meilleures terres agricoles du Québec, une ressource pourtant rare et non renouvelable. En plus de la perte irréversible du sol arable, ce sont toutes les activités agricoles situées en périphérie qui se voient fragilisées : dérangements liés aux bruits sur les activités d’élevage, reconfiguration des lots, perturbation du système de drainage souterrain et de surface, etc.
Nous vous demandons, Monsieur Trudeau, de réévaluer la situation et d’intervenir dans le but d’empêcher que la construction d’aérodromes porte atteinte à notre environnement. Nous croyons que le gouvernement fédéral doit respecter l’avis des décideurs locaux et entamer dès que possible un dialogue constructif avec le gouvernement du Québec afin de ne pas affecter l’environnement ainsi que les décisions locales d’urbanisme et d’occupation du territoire.
Vicky Violette, directrice générale, Conseil régional de l’environnement de Lanaudière (CREL)
Michel Boudrias, député de Terrebonne à la Chambre des communes du Canada
Ruth Ellen Brosseau, députée de Berthier-Maskinongé à la Chambre des communes du Canada
Luc Thériault, député de Montcalm à la Chambre des communes du Canada
Mathieu Lemay, député de Masson à l’Assemblée nationale
Mathieu Traversy, député de Terrebonne à l’Assemblée nationale
André Villeneuve, député de Berthier à l’Assemblée nationale
Stéphane Berthe, maire de Terrebonne
Guillaume Tremblay, maire de Mascouche
Bruno Vadnais, maire de Saint-Cuthbert
Elsa Dufresne-Arbique, directrice générale, Conseil des bassins versants des Mille-Îles
Jean-Pierre Gagnon, directeur général, Organisme des bassins versants de la zone Bayonne
Catherine Granche, présidente, Les Amis de la Chicot
Vincent Moreau, directeur général, Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement
du Québec (RNCREQ)
Gilbert Nicole, directeur régional, Fédération de l’UPA de Lanaudière
Sylvain Perron, coordonnateur du Mouvement Ceinture Verte de la Fondation David Suzuki